domingo, 27 de maio de 2018

Satiriques

Les cartes postales satiriques pendant la Première Guerre Mondiale

Le déclenchement de la guerre, loin de ralentir la production, provoqua au contraire une demande accrue. Les premières cartes postales traitant du conflit furent publiées pratiquement dès l'ouverture des hostilités. Il est impossible de chiffrer la quantité gigantesque de cartes postales éditées entre 1914 et 1918. Rien que pour l'Allemagne, on évoque le chiffre de 6 à 7 milliards de cartes postales expédiées pendant la durée de la guerre. Afin de répondre à cette énorme demande, les éditeurs de cartes postales publièrent des dizaines de milliers de modèles de cartes illustrées, de photomontages et de photographies.


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Cette évocation colorée nous permet aussi d'établir une typologie simplifiée des cartes postales publiées pendant la guerre:

- Les portraits de généraux, chefs d'Etat et autres "grands hommes";

- Les vues du front et des régions ravagées par les combats, les photographies ou dessins des combattants et du matériel, etc., tout ce que les auteurs du texte cité appellent "les documents";

- Les caricatures et dessins satiriques;

- Les cartes postales sentimentales (et grivoises).

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En Allemagne, elles disparurent ainsi complètement après octobre 1915, date à laquelle elles furent interdites par la censure. En France, leur publication se maintint jusqu'à la fin du conflit mais elles se raréfièrent et finirent par ne représenter plus qu'une part très marginale d'une production largement dominée par les sujets sentimentaux ou grivois. Ce changement que nous pouvons observer à la fin de l'année 1915 ne concerne pas seulement les cartes postales mais l'ensemble des représentations de la guerre. A un moment où la guerre avait déjà fait des centaines de milliers de victimes et où l'opinion publique commençait à percevoir que l'on s'installait dans un conflit de longue durée dont on ne voyait pas l'issue, un certain ton à la fois blagueur et cocardier n'était plus de mise. D'autre part, la guerre de tranchées avait rendu obsolète toutes les façons traditionnelles de figurer le combat. Tous ces facteurs expliquent pourquoi à partir de cette date, l'iconographie de la guerre devint beaucoup plus sombre et abandonna le triomphalisme qui avait prévalu jusqu'alors.

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Les grands éditeurs comme Bergeret disposaient de dessinateurs, sous contrat qui tout au long de l'année créaient de nouveaux sujets. En revanche, chez les petits éditeurs, la fréquente médiocrité du dessin montre qu'on se trouve face à un travail d'amateur. Lorsqu'un motif rencontrait du succès, il était immédiatement pillé par une foule d'imitateurs plus ou moins talentueux. Le célèbre dessin de G. Scott, "Leur façon de faire la guerre" publié en carte postale dès août 1914 fut ainsi presque tout de suite plagié. Au cours d'un rapide sondage, loin d'être systématique, dans les collections de la BDIC à Nanterre, nous avons relevé près d'une soixantaine de cartes postales reproduisant de manière plus ou moins servile ce motif.

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En France comme en Allemagne, la censure fut établie dès le lancement de l'ordre de mobilisation générale, et elle concerna aussi d'emblée les images. Néanmoins, durant les premiers mois de la guerre (jusqu'au début de 1915), il semble, aussi bien en France qu'en Allemagne, qu'aucune autorité - civile ou militaire - ne se soit vraiment souciée du contrôle des cartes postales. Aux yeux des responsables de la censure, celles-ci ne constituaient qu'une préoccupation très secondaire au regard de la presse. En France, nous n'avons trouvé aucune trace d'une carte postale ayant été interdite durant cette période, même si l'état-major de Joffre, à la veille de la bataille de la Marne, eut la velléité de prohiber toute photographie figurant des unités identifiables de l'armée, y compris sur les cartes postales. La situation changea au début de l'année 1915. Après des commencements assez chaotiques, aussi bien en France qu'en Allemagne, les services chargés de la censure et de la propagande furent remis en ordre.

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Mme. Huss dans son étude sur les cartes postales et la culture de guerre a constaté que la censure en France n'avait en définitive rejeté que très peu de cartes postales et que celles qui avaient été ajournées l'avaient été en raison de leur obscénité ou de leur grossièreté.

De nombreux responsables militaires pensaient que les moqueries envers l'ennemi pouvaient avoir un effet négatif sur le moral des combattants, qui auraient été incités de la sorte à prendre la guerre à la légère. Mme Huss, dans les registres de la censure qu'elle a consultés, n'a en revanche trouvé aucune trace de cartes ayant été interdites en raison de leur message pacifiste ou pro-allemand, et en conclut à l'inexistence pure et simple de ce type de sujet.

En Allemagne, le Grand état-major mit sur pied en février 1915 le Kriegspressamt, un véritable service "d'action psychologique", pour redresser le moral chancelant du front et de l'arrière. Les responsables de ce service firent une analyse voisine de celle de leurs homologues français, en estimant que l'excès dans le dénigrement et la moquerie de l'ennemi finissait par avoir un effet inverse à celui recherché. En octobre 1915, le Kriegspressamt publia une longue circulaire sur la façon dont il convenait de représenter l'ennemi: "Nous avons le droit de parler durement de nos ennemis mais nous devons toujours le faire de manière digne. [...] Les appels à une conduite barbare de la guerre ou à la destruction des nations ennemies sont contraires à nos principes. Le fait que nos ennemis recourent à de pareilles méthodes ne saurait être tenu pour une justification de ce type de propos." L'une des conséquences de cette circulaire fut comme nous l'avons dit plus haut l'interdiction de la diffusion et la publication de cartes postales satiriques.

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En mettant en vente des cartes avec des motifs patriotiques ou dénigrant l'ennemi, les éditeurs de cartes postales n'auraient fait que répondre aux attentes de leur clientèle. Ces cartes postales ont indéniablement eu du succès. Certaines d'entre elles se sont vendues à des centaines de milliers d'exemplaires. Et il faut rappeler que nul n'était obligé de les acheter.

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Du point de vue français, il n'y a qu'un ennemi: l'Allemagne. Les alliés du Reich figurent rarement sur les cartes postales françaises, et en général, ils apparaissent comme de simples comparses. Cette situation correspond à la réalité de la guerre vue de Paris. Les armées françaises combattirent exclusivement contre les Allemands, si l'on excepte les quelques contingents envoyés en Orient ou en Italie. Vue de Berlin, la situation est très différente. Dès le début des hostilités, l'Allemagne eut à combattre sur plusieurs fronts et à affronter de nombreux ennemis, huit pays (en comptant l'Egypte) ayant déclaré la guerre au Reich en août 1914. C'est pourquoi, le Reich ne se focalisa pas sur un ennemi en particulier, même si le Royaume-Uni fut désigné clairement comme l'adversaire n° 1. De nombreuses cartes postales publiées dans les premiers jours de la guerre tournent en dérision cette situation qui contraint le Reich à affronter simultanément plusieurs adversaires.

La deuxième grande différence réside dans l'orientation radicalement différente des propagandes française et allemande. Du déclanchement des hostilités à la signature du traité de Versailles, l'objectif central de la propagande française fut de dénoncer le caractère criminel d'une guerre imposée par l'Allemagne. On peut y observer une volonté systématique de dénigrer tout ce qui est allemand - la haine de l'ennemi justifiant tous les débordements. Pour cette raison, la propagande française se caractérisa par son extrême virulence. La diffusion massive d'images qui résumait de façon simple les enjeux principaux du conflit a joué sans doute un rôle capital dans le conditionnement des esprits. Le caractère outrancier de ces représentations, en particulier le recours fréquent à la scatologie, pouvaient cependant entraîner des réactions de rejet. André Gide, dans son Journal, souligne bien le dégoût que suscitait chez les esprits cultivés pareilles représentations: "L'on regardait presque avec stupeur les images idiotes des cartes postales représentant la famine à Berlin: un gros Prusco assis en face d'une tinette, repêchait à l'aide d'une longue fourchette plongée dans la lunette, des saucisses douteuses qu'il enfournait aussitôt, ou tel autre Allemand chiant de peur à la vue d'une baïonnette; d'autres fichant le camp - où jamais sans doute, la niaiserie, la malpropreté, la laideur de la bêtise populacière ne s'était révélé d'une manière plus compromettante et plus honteuse." Les combattants du front, si l'on se reporte aux journaux de tranchées, observèrent aussi une attitude assez hostile à l'égard de ces cartes postales satiriques qui furent souvent assimilées à ce que le "bourrage de crâne" avait de plus odieux.

La propagande allemande insista, quant à elle, principalement sur l'invincibilité du soldat allemand par rapport à ses ennemis présentés a contrario comme des adversaires sans valeur. Ce thème fut tout au long de la guerre décliné sous différents aspects, d'ailleurs avec un réel succès car jusqu'à la fin du conflit la population allemande fut persuadée de la supériorité militaire de son armée. Cette foi en l'invincibilité du Reich explique largement la facilité avec laquelle la légende du "coup de poignard dans le dos" se répandit après l'armistice. La propagande allemande évita aussi dans l'ensemble de donner une représentation bestiale ou dégradante de l'ennemi. Même s'il faudrait à se sujet introduire une distinction entre les caricatures visant les Français, les Italiens et les Anglais, d'un côté, et celles concernant les Russes et les Serbes de l'autre, ceux-ci étant systématiquement figurés comme des êtres hirsutes, à demi-civilisés.

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Les civils allemands n'apparaissent qu'épisodiquement dans les cartes postales. Laide, grossière, stupide, la population ennemie est stigmatisée dans son ensemble. Un thème revient plus que les autres, celui des restrictions alimentaires et des ersatz. Le pain de rationnement K. K. - Kriegskartoffelbrot (pain de guerre aux pommes de terre qui comprenait 20% de fécule de pommes de terre) permet, à cause de sa dénomination propice, d'innombrables allusions scatologiques.

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Faire croire que l'ennemi ment est essentiel: il s'agit en quelque sorte de faire preuve par la négative que le "bourrage de crâne" dit la vérité. Pour cette raison, l'agence de presse allemande Wolff fut dès le début de la guerre l'objet d'incessantes attaques. Fondée en 1849, c'était avec Havas et Reuter l'une des trois grandes agences de presse de l'époque. Dans les faits, l'Agence Wolff ne colporta ni plus ni moins de bobards que ses homologues française et anglaise.

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Le soldat allemand est une brute. D'une laideur extrême, il se rapproche de l'animal. Il est souvent affublé d'une barbe mal taillée, signe de sa barbarie, et de lunettes, façon de railler à la fois sa déficience physique et ses prétentions intellectuelles. On notera que dans l'iconographie française, le soldat allemand reste toujours coiffé du casque à pointe alors que celui-ci fut remplacé pendant l'hiver 1915 - 1916 par le casque d'acier. Le casque à pointe - le "couvre-Boche", comme l'on dit alors - est en effet considéré comme le symbole de l'"archaïsme" du militarisme prussien, et pour cette raison souvent utilisé par la propagande.

L'Allemand, de surcroît, est mauvais soldat. Lâche, il est toujours prêt à se rendre dès qu'il ne dispose plus de la supériorité numérique. Il ne marche au feu que sous la contrainte de ses officiers. Il abandonne ses armes contre un morceau de pain. Il se saoule de manière répugnante. Il a recours à des stratagèmes honteux sur le champ de bataille, comme par exemple placer des femmes et des enfants en avant des troupes.

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Évènements furent instrumentalisés par la propagande française pour devenir les symboles de la barbarie allemande et donnèrent lieu à l'édition de très nombreuses cartes postales:

L'évocation des violences (bien réelles) faites aux civils de Belgique et du Nord de la France se focalisa sur la légende des "mains coupées".

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Guillaume II fut présenté comme le principal responsable de la guerre dès le début des hostilités. Il apparaît comme le "méchant" de l'histoire, l'agent du Mal qui focalise toutes les haines. C'est par dizaines de milliers que les images dénonçant le Kaiser furent publiées pendant la guerre. Aucune attaque ne lui fut épargnée, et l'on ne peut pas s'empêcher aujourd'hui de ressentir un certain malaise en regardant ces images. Leur violence, leur caractère excessif, leur monotonie, leur fréquente bêtise finissent par susciter une gêne. [...] Guillaume II apparaît comme le prototype des "méchants" des XXe et XXIe siècles. Les traits qui lui sont attribués - démence, mégalomanie, goût pour les uniformes extravagants, cruauté, fourberie, absence de scrupules, insensibilité, etc. - peuvent aisément s'appliquer à tous les "méchants" qui ont suivi depuis.

Cette focalisation sur la personne de Guillaume II a aussi un objectif fonctionnel. On ne peut haïr globalement tout un peuple. Il est donc efficace de concentrer cette haine de l'ennemi sur le leader adverse. L'ennemi aura ainsi un visage, et ce visage sera évidemment odieux.

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Durant les premiers mois du conflit, les soldats français sont presque toujours figurés avec une chaussure en moins, voire pieds nus ou avec des bottines de femme. Il s'agit ainsi de mettre en avant l'impréparation supposée de l'armée française. De nombreuses cartes postales font aussi référence à la guerre de 1870-1871.

Après les premiers mois de la guerre, ce type de cartes représentant le soldat français comme un combattant sans valeur disparurent complètement. La propagande insista principalement sur la domination exercée par le Royaume-Uni sur la France.

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Sur les cartes postales [allemands], Le Russe est présenté comme un être à demi-civilisé, vivant dans la crasse. Le soldat de l'armée tsariste, affublé d'une barbe hirsute, a presque toujours une bouteille de vodka, à la main ou dans une poche de son uniforme. Quant aux officiers, le knout glissé dans la ceinture, ils se caractérisent par leur totale incompétence.

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A la différence de la propagande française qui se focalisa d'emblée sur la personne de Guillaume II, l'Allemagne ne chercha pas à dépeindre les dirigeants ennemis comme des criminels ou des fous. De fait, on constate la relative rareté des cartes postales allemandes s'en prenant aux souverains et chefs d'Etat ennemis, et surtout leur modération. Le respect dû à l'institution monarchique interdisait probablement de donner des représentations animalisées ou dégradantes des souverains ennemis.

Une exception cependant dans ces caricature finalement plutôt bon enfant: le roi Pierre Ier de Serbie figuré comme un gnome malfaisant, devant être écrasé sans pitié.


Fonte:
http://www.caricaturesetcaricature.com/cartes-postales-satiriques-premiere-guerre-mondiale.html

Mais:
http://www.simplicissimus.info/index.php?id=6
http://anno.onb.ac.at/cgi-content/anno?apm=0&aid=mus (http://de.wikipedia.org/wiki/Die_Muskete)
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb34432899t/date (http://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Rire)
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb327095759/date (http://fr.wikipedia.org/wiki/La_Baïonnette)
http://en.wikipedia.org/wiki/Louis_Raemaekers#First_World_War
http://punch.photoshelter.com/gallery/WW1-Cartoons-The-Great-War/G0000dASULVAdiAI
http://www.worldwar1postcards.com/bruce-bainsfather.php
http://www.galantara.it/Immagini/lasino/index.html (http://en.wikipedia.org/wiki/L'Asino)
http://catalog.hathitrust.org/Record/000495155 (http://en.wikipedia.org/wiki/Puck_(magazine))
http://firstdivisionmuseum.org/museum/online/happy_days/happydays-albanbbutler.pdf