domingo, 8 de abril de 2018

Les heures longues

Trechos de Les Heures Longues (1917), de Gabrielle Colette.


LA NOUVELLE (août 1914)

La guerre?... Jusqu'à la fin du mois dernier, ce n'était qu'un mot, énorme, barrant les journaux assoupis de l'été. La guerre? Peut-être, oui, très loin, de l'autre côté de la terre, mais pas ici... Comment imaginer que l'écho même d'une guerre pût franchir ces rochers, farouches uniquement pour que semblent plus doux, à leurs pieds, la vague, le gazon marin clairsemé, le chèvrefeuille, le sable gaufré par la petite serre des oiseaux... Ce paradis n'était point fait pour la guerre, mais pour nos brèves vacances, pour notre solitude.

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C'était la guerre, ce garçon épicier à bicyclette qui colportait, au grelot allègre de sa machine, des bruits de disette, des avertissements de cacher le sucre, l'huile, le pétrole.

C'était la guerre. Dans Saint-Malo, où nous courions chercher des nouvelles, un coup de tonnerre entrait en même temps que nous: la Mobilisation Générale.

[...] L'automobile qui nous porte s'arrête, étroitement insérée dans la foule qui se fige contre ses roues.

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[...] ces prés, ces moissons, cette mer endormie ne sont plus qu'un décor, interposé entre moi et la réalité: la réalité c'est Paris, Paris où vit la moitié de moi-même, Paris peut-être fermé à cette heure, Paris suffocant et gris sous sa brume d'août, plein de cris, fermentant de chaleur et de fureur, d'angoisse et de bravoure.

Sera-ce ma plus longue soirée de la guerre, celle que je passe encore ici dans l'attente du départ?

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LE "RÉSERVOIR" (26 août 1914)

Le septième jour de la mobilisation, un sergent de ville arrêta le taxi qui nous menait vers la Madeleine, et deux soldats y montèrent, à qui nous fîmes conduite jusqu'à la gare de l'Est. L'un des deux "réservoirs" était bien sage, mais l'autre!... Nous n'avions jamais vu pareil diable, maigre, tanné et moustachu, avec des gestes qui menaçaient les vitres.

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LE PREMIER CAFÉ-CONCERT (6 novembre 1914)

Les plus vives émotions d'avant-victoire, ce n'est pas là que je les cherchais. Elles m'attendaient pourtant dans cette salle enfumée, longue, qui étouffe les sons d'un ardent et maigre orchestre.

Ici, on chante, ici, on danse, et le public s'y presse tous les soirs. L'étrange public, de femmes jeunes, d'hommes âgés, d'étrangers cordiaux, de petits chiens sur les genoux... Public avide, naïf, rajeuni jusqu'à la candeur et déjà si renouvelé par la guerre qu'il ne chérit plus que les chansons de son passé et murmure en chœur, avec des duettistes aux cheveux gris, le Temps des Cerises... Mais il résonne aussi, en sourdine, d'un grondement harmonieux, lorsqu'un bras débile, une voix usée miment et chantent:

Nous l'avons eu, votre Rhin allemand

Miracle, auquel nous ne pensions pas, rédemption d'un art, d'un genre décrié, avili: les mots qu'on évitait, qu'on délaissait comme des joyaux démodés et trop lourds ont repris vie; ils suscitent des images magnifiques ou sanglantes: ils heurtent, réveillent, rallument un brasier assoupi de souvenirs... Un soupir unanime les accompagne, ces mots: "Patrie ... nos soldats ... la France, le drapeau ... la gloire ..." et la voix du baryton, le soprano pauvre de la diseuse hésitent, se mouillent: une mitraille de bravos couvre ces défaillances. Le public se dresse, têtes nues, quand un fantaisiste minable commence, sur un violon fait d'une boîte à cigares, l'Hymne belge, suivi de la Marseillaise, puis de l'Hymne russe, enfin le chant national anglais. Droits comme à l'église, les hommes chantent. Un vieillard, près de nous, chante, en martelant le parquet de sa canne, et dédaigne d'essuyer les larmes qui roulent sur ses joues. Une jolie fille en bonnet de police veut chanter, et sanglote. Deux jeunes soldats anglais, frais, tirés à quatre épingles, chantent religieusement, les yeux levés, sans regarder personne, et leur raide modestie semble ignorer que les applaudissements vont à eux, à la fin du God Save the King.

Belles larmes, claire averse portée par un orage de musique sacrée! Et comme le rire s'y mêle promptement, sans presque les tarir, lorsqu'on nous raconte, ensuite, que Guillaume est enrhumé, ou les tribulations glorieuses d'un autobus Madeleine-Bastille! Un peuple vif, déconcertant, tenace, rebondissant, capable de nonchalance, capable aussi de trop de hâte, d'héroïsme, de patience, détenteur des défauts les plus flatteurs et des qualités les plus contradictoires - le peuple français, enfin - pouvait seul inventer et lancer par-dessus la rampe, dès aujourd'hui, ces chansons qui sont, au vrai, celles de demain, les unes férocement gaies, les autres où l'humour vengeur s'adoucit déjà d'une commisération méprisante - des chansons d'après la victoire.

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LA CHASSE AUX PRODUITS ALLEMANDS (décembre 1914)

La chasse ... oui, mais pas comme vous l'entendez. Il y a hausse, hausse secrète naturellement, sur certains produits allemands, depuis la guerre. Cela est aussi vrai que peu croyable, et difficile à prouver. Certains comprimés d'aspirine sont devenus introuvables, non pour cause de juste boycottage, mais parce que les clients maniaques les trustent. J'ai entendu un médecin d'hôpital militaire réclamer, pour un pansement, une bobine d'un emplâtre "plastik" (exiger le K) allemand, et tempêter parce qu'on lui en offrait un autre, d'origine moins teutonne.

Mais voici le plus beau: J'achetais l'autre jour un savon quelconque dans l'une de ces halles à parfumerie que Berlin pourvoyait, par tonnes, de maquillage en bâtons, en pâte, en poudre, et je demandais au propriétaire:

- Eh bien! on a prohibé tous les produits Leichner? Quel tracas pour vous!

- Ne m'en parlez pas, me répondit-il, je ne sais plus où donner de la tête.

- C'est une grosse perte d'argent pour votre maison?

Il me regarda, étonné:

- Une perte? Je vous avoue que pour l'instant, si je voulais, ce serait plutôt une source de bénéfices. Quoique les théâtres soient encore fermés, les artistes défilent chez moi: "Vous avez encore du Leichner? Il me faut du fond de teint, du numéro 2, du numéro 3, du rouge en bâton, du crayon bleu, du crayon bistre..." On m'en achetait par deux ou trois bâtons, on me les prend par douzaines. Il y a même un artiste qui m'a téléphoné, d'un petit air détaché: "Envoyez-moi tout ce qui vous reste, et vous savez, ça ne fait rien, si le Leichner a subi depuis la guerre une petite majoration..." Moi, ça me fait lever les épaules, c'est de la manie. Vous ne pensez pas qu'ils ne l'auraient pas volé, ces clients-là, de trouver un jour, sous la bande imprimée "Leichner", une autre petite étiquette portant: "Contrefaçon parisienne?"

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A VERDUN (décembre-janvier 1915)

Il est fini, ce beau voyage épouvanté. Me voici - pour combien de jours? - cachée dans Verdun. Un faux nom, des papiers d'emprunt, ce n'était pas assez pour me garder, pendant treize heures de trajet, du gendarme nouveau-style, que la guerre fait subtil, railleur, indiscret, ni de ton commissaire impérieux, gare de Châlons! En chemin, j'ai rencontré tous les périls: l'amie infirmière commise à l'arrivée des trains de blessés et qui s'écrie: "Vous ici!", le journaliste devenu militaire et qui s'enquiert: "Votre mari va bien? Vous allez le voir?", le médecin-major, qui "comprend" et qui m'adresse des clins d'œil à inquiéter un garde-voie... Les heures les moins troublées furent celles du "train noir", qui chemine toutes lumières éteintes entre Châlons et Verdun, lentement, lentement, comme à tâtons, retenant son asthme et son sifflet. Heures longues? peut-être, à cause de l'impatience d'arriver, mais heures remplies, inquiètes, illuminées par la lueur boréale d'une canonnade incessante, une lueur rose qui halète au ras de l'horizon, au nord-est.

Un somptueux tonnerre raccompagne, continu, nourri, qui ne déchire pas l'oreille mais sonne dans tous les membres, dans le ventre et la tête, et parfois la chute florale des fusées éclairantes, qui crèvent la nuit.

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Je méritais cette réponse de tranquille brave homme. Et il ne m'a pas fallu huit jours pour comprendre qu'ici, dans ce Verdun engorgé de troupes, ravitaillé par une seule voie ferrée, la guerre, c'est l'habitude, le cataclysme inséparable de la vie comme la foudre ou l'averse; - mais le danger, le vrai, c'est de ne plus manger. Tout commerce cède le pas et la place à celui des comestibles: le papetier vend des saucisses et la brodeuse des patates. Le marchand de pianos empile, sur les gaveaux et les pleyels fatigués qu'il louait naguère, mille boîtes de sardines et de maquereaux; mais le beurre est une rareté de luxe, le lait concentré un objet de vitrine, et le légume n'existe que pour les fortunés de ce monde. Bizarres menus que ceux que nous cuisinons, mon hôtesse et moi. Le bœuf de l'intendance luit pour tout le monde, et son arrivée quotidienne est saluée par un quotidien murmure d'imprécations. Pot-au-feu, miroton sans oignons, rôti, bifteck russe haché, entrecôtes minute, - hélas, il est et reste pourtant bœuf. Que pensez-vous d'une salade de sardines et de macaroni froid? Que vous semble d'un riz-au-lait sans lait, chapeluré de chocolat en poudre et de noix concassées? Mais nous avions compté sans un panier, scandaleux, magnifique, de truffes, apporté par un permissionnaire du Lot, et qui parfuma, pendant dix jours, la maison entière. Il y eut aussi le jour mémorable du fromage à la crème, don d'un farinier de Verdun qui gardait une vache dans son jardin... Il y eut les dîners d'un restaurant clandestin, où l'on pouvait, par des petites rues noires, aller manger à la nuit close.

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Des prisonniers allemands ont passé rue d'Anthouard. Je les ai vus, entre les lames de mes jalousies toujours baissées. Quelques civils regardaient, sur le pas de leur porte, d'un œil habitué. Figures jaunies de fatigue et de crasse, les prisonniers marchaient mollement, beaucoup d'entre eux ne montraient que l'insouciance et la détente: "Ouf! nous voilà arrivés!" Un soldat allemand, gamin chétif et rieur, tire la langue, au passage, à une femme.

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Entre sept et huit heures le matin, entre deux et trois heures l'après-midi, les avions allemands viennent, ponctuels, jeter des bombes. Cela tombe un peu partout, sans grands dégâts ni blessures d'ailleurs. Mais leur tir, la réponse des nôtres et des canons contre-avions, quel fracas! Tout de même, le voisin d'en face pleure son jardin ravagé hier, et son hangar écrasé. Et un toit de la manutention, tout près d'ici, au pied de la citadelle, bâille au ciel. Le sous-officier, Vercingétorix, jure comme un païen contre ces Aviatik "qui cherchent à l'empêcher d'aller panser ses chevaux!"

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OUR DE L'AN EN ARGONNE (janvier 1915)

L'automobile emporte, avec nous, des paniers d'étrennes. Pour les soldats? Non. Les soldats ont tout ce qu'il faut, et davantage. Ils ont eu huit ou dix mille oies pour Noël, ils ont du vin, des oranges, du chocolat... C'est la troupe, grassement ravitaillée, qui nourrit les villages, - ce qui reste des villages. - Mais les enfants de la région?... Hier sans chemise, aujourd'hui vêtus de laine neuve, ils n'ont plus de cheminée pour y poser leurs sabots.

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La terre gelée dort, à demi délaissée, et souffre que son repos abrite, dans un pli hâtivement creusé, ici une mitrailleuse sous son feutrage de branches, là un mort sous sa croix, - encore un mort, encore une croix, coiffée d'un képi, - plus loin des soldats, un convoi de vivres, des chevaux, des mulets, parqués sous un chaume de genêt.

Rampont, le premier village, a perdu la moitié de ses maisons. [...] la place d'un village qui fut aisé, la ruine d'un petit peuple obstiné et sobre. Mais l'église est encore debout, debout et bien vivante, puisqu'elle lance au ciel, par toutes ses verrières rompues, l'air sautillant, naïf et gai à pleurer, du vieux Noël bourguignon:

Que d'ânes et de bœus je say,
Couverts de panne et de moire,
Que d'ânes et de bœus je say,
Qui n'en araint pas tant fait

Une dizaine de femmes, quelques enfants prient, à genoux entre des soldats et des officiers debout. Le bombardement, qui fit tomber toutes les fenêtres à petites vitres blanches, a laissé aux murs de chaux bleue leur lis d'or, leur chemin de croix en chromo, et un cartel d'auberge, au cadran bombé.

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EN ATTENDANT LE ZEPPELIN (février 1915)

Paris consent à baisser le gaz, à tirer ses rideaux, à tendre ses vitres de papier huilé, de toile ou de soie, mais c'est pure gentillesse, et parce qu'on le lui a demandé bien poliment. Il s'ennuie derrière ses persiennes. Il invente des jeux qui l'amusent pendant deux ou trois soirs: le jeu de la lanterne en fer-blanc et du gros parapluie pour faire visite à un voisin.

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MODES (24 février 1915)

"Je me plains à vous, Madame, de la militarisation de nos épouses et de nos amies. Que nous disaient les grincheux, que nous manquions d'uniformes pour les hommes des dépôts? Pas étonnant, nos femmes accaparent le drap-cuir, les ganses et les passepoils. Femmes, ô nos femmes, c'est là un patriotisme à la Béchoff qu'il vous faudra quitter, si vous voulez nous plaire. Vareuse, dolman, bonnets à galon, pourquoi pas l'épingle-baïonnette et le sac-au-dos au lieu du sac-à-main? Songez, ô nos femmes, à notre défilé triomphal dans Paris, bientôt, notre défilé rapiécé, décoloré, bariolé, zouaves de velours, cavaliers à bicyclette, infanterie bleue, grise, marron, tirailleurs en chandails et turcos en cache-nez, tous beaux, glorieux, mal fichus, héroïques... Et vous seriez là, vous, nos femmes, avec vos uniformes proprets, vos capotes neuves et vos bonnets de police brossés, vos ceinturons sans taches, à nous regarder passer? Craignez le Poilu vengeur, qui vous jettera par-dessus l'épaule un: 'Va donc, eh ... embusquée!' Craignez le moment où, rentrés dans nos bons vieux costumes civils, dans nos chaussures citadines, nous retrouverons sur vous, quoi?... La guerre au foyer, la guerre à vingt-neuf francs la blouse, la guerre à quatre-vingt-dix-neuf francs l'équipement complet, la guerre à dix francs soixante-quinze le képi... Je m'écrie déjà, comme si j'y étais: 'Ah! non, je la connais ... je l'ai faite! La paix, pour Dieu, la paix!'"

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CHIENS SANITAIRES (mai 1915)

Chiens, nos compagnons dans la guerre et dans la paix, chiens, de qui la confiance humaine exige et reçoit tout, chiens, c'est pour notre édification que je veux dire le beau destin de Pick, chien sanitaire fameux. Il servit son pays et ses frères soldats, et mourut glorieusement, le flanc percé d'une balle allemande.

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UN CAMP ANGLAIS (mai 1915)

C'est une ville kaki, plate, répandue au bord de Rouen gris et coiffé de fumées. Des soldats couleur de sable évoluent le long de ses avenues entaillées dans la terre vive, sortent des tentes de toile beige [...]

Le camp anglais a des concerts, des boxes bien alignés pour ses chevaux, des abreuvoirs où l'eau courante frémit, des cinémas, des chapelles, des garages, des restaurants, des salles de repos, de lecture et de correspondance, des infirmeries où la main tâtonnante des malades trouve, sur le mur de toile, un commutateur électrique.

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UN ZOUAVE (mai 1915)

Au moment où une fraternité irrésistible soulève vers nous l'Italie, je songe à un ancien capitaine du 1er régiment de zouaves. Il pourrait vivre encore, il n'aurait que quatre-vingt-six ans. Il avait laissé en Italie toute sa jambe gauche, coupée en haut de la cuisse, l'année 1859, à Melegnano, - en France nous disons Marignan. - Il en était revenu radieux, entre sa béquille et sa canne [...]

Il racontait la campagne de Crimée, le choléra, Sébastopol, à sa manière. "Beaux soldats!" disait-il des Russes. Et cet hommage ne contenait aucune modestie, car il se savait - le nez court et ouvert, les sourcils hérissés sur de clairs et terribles petits yeux de chat, - tout ressemblant à un cosaque.

[...] un vrai zouave comme tant de zouaves de 1859 et de 1915. Seulement, celui-là me semble encore plus beau que les autres, parce qu'il était mon père.

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JOUETS (juin 1915)

En visitant l'exposition de jouets français, je me souviens de la ville allemande où la France allait chercher, avant la guerre, de quoi amuser ses enfants: Nuremberg, la ville aux poupées.

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IMPRESSIONS D'ITALIE (juillet 1915)

Quitter Paris pour la première fois depuis onze mois, s'éloigner, par un soir sec et lourd, de Paris obscur, patient, résigné à tout ce qui peut servir son magnifique et sûr espoir; - et s'éveiller à Aiguebelle, sous des monts dont une pluie récente fait plus bleus les sapins, plus bondissantes les cascatelles, cela déjà semble une fête, une surprise qu'on n'a pas méritée.

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"Tout ici me préserve de l'angoisse inévitable qui m'attendait autrefois en Allemagne, au contact de l'animal humain prussien ou bavarois, d'un rose porcin, souvent prognathe, le nez court et la lèvre longue, avec de fortes pattes pesantes et lentes..."

Malgré la présence, dans les gares, des bersaglieri coiffés de plumes et des officiers réséda, j'emporte, de station en station, jusqu'au delà de Gênes, l'illusion de voyager dans un pays oublié par la guerre.

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Soudain, à la nuit tombante, près de Rapallo, notre train, ralenti, croise un autre train, - puis-je nommer ainsi ce long char débordant de rires, de chants, de frénétiques mandolines? Cette fusée de fête qui s'enfonce dans le crépuscule, c'est un départ de troupes italiennes. Oui, le "peuple de mandolinistes" s'en va en guerre! J'ai reconnu l'accent, l'ivresse, la guerrière insouciance de nos soldats. Ces rires, ces chants, c'était l'hymne de départ de nos chasseurs, de nos marins, de nos zouaves traversant Paris et sa banlieue, et jamais chanson d'Italie n'eut dans mon cœur un écho plus français.

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La guerre, la guerre... Des rencontres de trains militaires, les uniformes sur les voies, la variété des cartes postales et des emblèmes patriotiques vendus dans les gares m'ont ramenée à ce mal qui vit avec nous, auquel nous avons consenti tous ses droits et qui se nourrit de nous-mêmes. J'arrive à Rome: les roulements de tonnerre, de grêle, de pluie, mêlés d'éclairs de foudre et de soleil; - la guerre...

- Est-ce que la guerre n'a rien changé à Rome? ne manqué-je point de demander, dès les premières heures, au comte Primoli.

- Certainement si, répondit-il avec une prudence romaine: la couleur des réverbères.