"Vint la guerre.
La guerre fut grise et camouflée: une lumière, une couleur, un ton étaient interdits sous peine de mort. Une vie de silence, une vie nocturne à tâtons, tout ce que l'oeil pouvait enregistrer et percevoir devait se cacher et disparaître.
Personne n'a vu la guerre, caché, dissimulé, à quatre pattes, couleur de terre l'oeil inutile ne voyait rien. Tout le monde a entendu la guerre. Ce fut une énorme symphonie qu'aucun musicien ou compositeur n'a encore égalé quatre années sans couleur." (Fernand Léger, Fonctions de la Peinture, 1937)
L'ANNÉE 1914
En 1914, Léger à 33 ans, il est bon pour le service. Le 12 août, avec le premier régiment de génie 4/26, il monte au front en qualité de sapeur. Il porte peut être le grand tablier de peau caractéristique de ce corps d'armée, il doit marcher en tête des régiments d'infanterie, à la main une hache.
L'artiste qui laisse la vie civile pour la vie militaire est très sérieusement engagé dans l'aventure de l'art moderne. Cet homme va écrire à sa mère, ses amis, des lettres qui racontent le quotidien du soldat. Il n'oublie pas la peinture, et c'est certainement ce qui le rattache à quelque espoir de sortir de l'enfer de la guerre. Alors il dessine, à la manière cubiste.
CORRESPONDANCE
Ses lettres sont les témoignage réalistes, sans détour, écrites à chaud, juste après l'orage du combat.
Ce n'est pas un jeune conscrit à qui nous avons affaire, c'est un homme à "qui on ne l'a fait pas", qui a déjà une expérience sérieuse, furieuse, du difficile métier d'être peintre.
Il est là, en Argonne, dans la Marne, en Champagne, témoin donc survivant d'une action invraisemblable qui n' a pas d'exemples antérieures: la Grande Guerre.
Malgré lui, il assiste et contribue avec les autres Poilus à la fin d'un monde et à la naissance d'un autre qui efface par la ruine les ultimes traces d'une civilisation à jamais perdue.
Tout au long de la lecture des lettres, nous ressentons la maturité de Fernand Léger. Celui-ci, malgré sa volonté de rejoindre les camoufleurs et son ami André Mare (ceux qui réalisent des trompes l'oeil, des leurres pour tromper l'ennemi, qui inventent la peinture de camouflage) saura lier des relations avec les gars (épatants) du peuple.
LA PEINTURE
Il voit avec ses yeux de peintre, il écrit avec son style sans manières, un style qui nous jette corporellement dans les creux des tranchées, les pieds dans la boue, le nez reniflant l'odeur du souffre, celle de la chair humaine. Alors, notre esprit patauge, s'englue devant cette prose qui semble n'avoir pas de lendemain. Puis nous entendons le bruit insoutenable des canons, ce mélange de cris et du vent, du tremblement des feuilles tentant désespérément de rester accrochées aux arbres. les bruits de pas, les courses effrénées, nous ressentons le bruit de la trouille. Puis plus rien, pas un son, une plainte, plus loin un rire, des pleurs, Léger écrit, Léger dessine, quelquefois il retrouve des couleurs pour peindre des aquarelles.
Le cubisme s'est mit à l'épreuve de la guerre, du terrain, de la forêt, des copains.
À PROPOS DE FERNAND LÉGER
[...]
L'enjeu est de construire en décryptant les lettres - lesquelles vont et viennent entre la présence de l'horreur et les pensées lointaines - un spectacle qui conjugue plusieurs dimensions auditives, visuelles et plastiques, qui met en scène les pensées de l'artiste, en ménageant ce que Léger voit et ce qu'il transforme par son travail de peintre, et ce qu'il appelle de tous ses voeux: l'idée d'un art total à la française. Pour lui, l'art doit se mélanger à la vie.
Autrement dit: le propos n'est pas de reprendre une mise en scène en pastichant le peintre, mais de le faire devenir acteur, aux prises entre l'insoutenable du quotidien de la guerre et les idées créatrices qui persistent en lui malgré la rudesse du vécu. Fernand Léger devient donc acteur. À la sortie de la guerre, il souhaitera la fin de la peinture de chevalet, il se met à collaborer à des mises en scènes théâtrales. Avec d'autres artistes de l'art moderne, il expérimente ces nouveaux champs qui s'ouvrent devant lui. Il est libre.
FERNAND LÉGER DANS LA GUERRE
1ER AOÛT 1914: Ordre de mobilisation général. Est mobilisé à Versailles, premier régiment du Génie, compagnie 4/26 en qualité de sapeur réserviste. Quitte Paris pour Montpellier.
12 AOÛT 1914: Quitte les arènes de Nîmes pour le front. Bataille de la Marne. Au début d'octobre séjourne au Neufour-en-Argonne (cantonnement) et à la Maison-Forestière avec son régiment, dépendant de la IIIe armée commandée par le général Sarrailh (puis le général Humbert) du 5e corps d'armée commandé par le général Arlabosse (puis le général Caloni), 9e division, 17e brigade (général Féru), 1er régiment du Génie, compagnie 5/4 commandée par le capitaine Blanc.
15 OCTOBRE 1914: Désigné brancardier près du major de la compagnie.
13-14 JUILLET 1915: Blessé légèrement lors de l'offensive allemande (autour de la cote 285) qui décime son unité. Première permission de 6 jours à Paris. Fin août démarches avec Poughon et le musicien Varèse pour entrer dans le camouflage. Emporte des crayons et des couleurs au front. Recommence à dessiner.
FIN JANVIER OU DÉBUT FÉVRIER 1916: Deuxième permission à Paris.
SECONDE QUINZAINE D'AOÛT 1916: Troisième permission à Paris.
10 SEPTEMBRE 1916: Quitte l'Argonne pour le quartier Robert-Espagne près de Bar-le-Duc. Entrevue avec Jeanne Lohy.
2 OCTOBRE 1916: Avec son unité, participe à la grande "noria" de Verdun jusqu'à la mi-décembre. Quatrième permission à Paris?
DÉBUT JANVIER 1917: Au front en Champagne, un secteur tranquille.
JUIN 1917: Cherche des pancartes allemandes autour du lieu-dit les Tuileries pour la collection des Leblanc. Exécute des aquarelles d'après des avions. Cinquième permission.
FIN JUILLET 1917: Arrive en permission dans la région parisienne. Prolongation de cette permission par un séjour à l'hôpital.
OCTOBRE 1917: Hospitalisé à l'hôpital Saint-Joseph, puis à l'Hôpital italien. Séjourne à l'hôpital de Villepinte, centre de réforme. Recommence à peindre.
NOVEMBRE 1917: Peint La Partie de Cartes.
DÉCEMBRE 1917, JUIN 1918: Élaboration du contrat avec le galeriste Léonce Rosenberg. Sixième permission à Argentan à la mi-juin 1918. Réformé temporaire. S'installe à Vernon dans l'Eure.
11 NOVEMBRE 1918: Armistice.
5 FÉVRIER 1919: Exposition Fernand Léger à L'Effort Moderne.
2 DÉCEMBRE 1919: Fernand Léger épouse Jeanne Lohy.
Fonte:
http://fondationlaposte.org/IMG/pdf/comete_leger.pdf
Mais:
http://www.wikiart.org/en/fernand-leger
http://france3-regions.francetvinfo.fr/cote-d-azur/2014/11/11/le-soldat-et-artiste-fernand-leger.html
http://www.youtube.com/watch?v=tOvnQ9Vqptw
La guerre fut grise et camouflée: une lumière, une couleur, un ton étaient interdits sous peine de mort. Une vie de silence, une vie nocturne à tâtons, tout ce que l'oeil pouvait enregistrer et percevoir devait se cacher et disparaître.
Personne n'a vu la guerre, caché, dissimulé, à quatre pattes, couleur de terre l'oeil inutile ne voyait rien. Tout le monde a entendu la guerre. Ce fut une énorme symphonie qu'aucun musicien ou compositeur n'a encore égalé quatre années sans couleur." (Fernand Léger, Fonctions de la Peinture, 1937)
L'ANNÉE 1914
En 1914, Léger à 33 ans, il est bon pour le service. Le 12 août, avec le premier régiment de génie 4/26, il monte au front en qualité de sapeur. Il porte peut être le grand tablier de peau caractéristique de ce corps d'armée, il doit marcher en tête des régiments d'infanterie, à la main une hache.
L'artiste qui laisse la vie civile pour la vie militaire est très sérieusement engagé dans l'aventure de l'art moderne. Cet homme va écrire à sa mère, ses amis, des lettres qui racontent le quotidien du soldat. Il n'oublie pas la peinture, et c'est certainement ce qui le rattache à quelque espoir de sortir de l'enfer de la guerre. Alors il dessine, à la manière cubiste.
CORRESPONDANCE
Ses lettres sont les témoignage réalistes, sans détour, écrites à chaud, juste après l'orage du combat.
Ce n'est pas un jeune conscrit à qui nous avons affaire, c'est un homme à "qui on ne l'a fait pas", qui a déjà une expérience sérieuse, furieuse, du difficile métier d'être peintre.
Il est là, en Argonne, dans la Marne, en Champagne, témoin donc survivant d'une action invraisemblable qui n' a pas d'exemples antérieures: la Grande Guerre.
Malgré lui, il assiste et contribue avec les autres Poilus à la fin d'un monde et à la naissance d'un autre qui efface par la ruine les ultimes traces d'une civilisation à jamais perdue.
Tout au long de la lecture des lettres, nous ressentons la maturité de Fernand Léger. Celui-ci, malgré sa volonté de rejoindre les camoufleurs et son ami André Mare (ceux qui réalisent des trompes l'oeil, des leurres pour tromper l'ennemi, qui inventent la peinture de camouflage) saura lier des relations avec les gars (épatants) du peuple.
LA PEINTURE
Il voit avec ses yeux de peintre, il écrit avec son style sans manières, un style qui nous jette corporellement dans les creux des tranchées, les pieds dans la boue, le nez reniflant l'odeur du souffre, celle de la chair humaine. Alors, notre esprit patauge, s'englue devant cette prose qui semble n'avoir pas de lendemain. Puis nous entendons le bruit insoutenable des canons, ce mélange de cris et du vent, du tremblement des feuilles tentant désespérément de rester accrochées aux arbres. les bruits de pas, les courses effrénées, nous ressentons le bruit de la trouille. Puis plus rien, pas un son, une plainte, plus loin un rire, des pleurs, Léger écrit, Léger dessine, quelquefois il retrouve des couleurs pour peindre des aquarelles.
Le cubisme s'est mit à l'épreuve de la guerre, du terrain, de la forêt, des copains.
À PROPOS DE FERNAND LÉGER
[...]
L'enjeu est de construire en décryptant les lettres - lesquelles vont et viennent entre la présence de l'horreur et les pensées lointaines - un spectacle qui conjugue plusieurs dimensions auditives, visuelles et plastiques, qui met en scène les pensées de l'artiste, en ménageant ce que Léger voit et ce qu'il transforme par son travail de peintre, et ce qu'il appelle de tous ses voeux: l'idée d'un art total à la française. Pour lui, l'art doit se mélanger à la vie.
Autrement dit: le propos n'est pas de reprendre une mise en scène en pastichant le peintre, mais de le faire devenir acteur, aux prises entre l'insoutenable du quotidien de la guerre et les idées créatrices qui persistent en lui malgré la rudesse du vécu. Fernand Léger devient donc acteur. À la sortie de la guerre, il souhaitera la fin de la peinture de chevalet, il se met à collaborer à des mises en scènes théâtrales. Avec d'autres artistes de l'art moderne, il expérimente ces nouveaux champs qui s'ouvrent devant lui. Il est libre.
FERNAND LÉGER DANS LA GUERRE
1ER AOÛT 1914: Ordre de mobilisation général. Est mobilisé à Versailles, premier régiment du Génie, compagnie 4/26 en qualité de sapeur réserviste. Quitte Paris pour Montpellier.
12 AOÛT 1914: Quitte les arènes de Nîmes pour le front. Bataille de la Marne. Au début d'octobre séjourne au Neufour-en-Argonne (cantonnement) et à la Maison-Forestière avec son régiment, dépendant de la IIIe armée commandée par le général Sarrailh (puis le général Humbert) du 5e corps d'armée commandé par le général Arlabosse (puis le général Caloni), 9e division, 17e brigade (général Féru), 1er régiment du Génie, compagnie 5/4 commandée par le capitaine Blanc.
15 OCTOBRE 1914: Désigné brancardier près du major de la compagnie.
13-14 JUILLET 1915: Blessé légèrement lors de l'offensive allemande (autour de la cote 285) qui décime son unité. Première permission de 6 jours à Paris. Fin août démarches avec Poughon et le musicien Varèse pour entrer dans le camouflage. Emporte des crayons et des couleurs au front. Recommence à dessiner.
FIN JANVIER OU DÉBUT FÉVRIER 1916: Deuxième permission à Paris.
SECONDE QUINZAINE D'AOÛT 1916: Troisième permission à Paris.
10 SEPTEMBRE 1916: Quitte l'Argonne pour le quartier Robert-Espagne près de Bar-le-Duc. Entrevue avec Jeanne Lohy.
2 OCTOBRE 1916: Avec son unité, participe à la grande "noria" de Verdun jusqu'à la mi-décembre. Quatrième permission à Paris?
DÉBUT JANVIER 1917: Au front en Champagne, un secteur tranquille.
JUIN 1917: Cherche des pancartes allemandes autour du lieu-dit les Tuileries pour la collection des Leblanc. Exécute des aquarelles d'après des avions. Cinquième permission.
FIN JUILLET 1917: Arrive en permission dans la région parisienne. Prolongation de cette permission par un séjour à l'hôpital.
OCTOBRE 1917: Hospitalisé à l'hôpital Saint-Joseph, puis à l'Hôpital italien. Séjourne à l'hôpital de Villepinte, centre de réforme. Recommence à peindre.
NOVEMBRE 1917: Peint La Partie de Cartes.
DÉCEMBRE 1917, JUIN 1918: Élaboration du contrat avec le galeriste Léonce Rosenberg. Sixième permission à Argentan à la mi-juin 1918. Réformé temporaire. S'installe à Vernon dans l'Eure.
11 NOVEMBRE 1918: Armistice.
5 FÉVRIER 1919: Exposition Fernand Léger à L'Effort Moderne.
2 DÉCEMBRE 1919: Fernand Léger épouse Jeanne Lohy.
Fonte:
http://fondationlaposte.org/IMG/pdf/comete_leger.pdf
Mais:
http://www.wikiart.org/en/fernand-leger
http://france3-regions.francetvinfo.fr/cote-d-azur/2014/11/11/le-soldat-et-artiste-fernand-leger.html
http://www.youtube.com/watch?v=tOvnQ9Vqptw